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ressent les historiens de notre vieille littérature : il s’agit de les étudier dans leur développement et dans leur rapport aux autres genres.

De là, les deux parties de ce livre.

Pour la question d’origines, il semble que la solution en soit de longue date acquise à la science. Depuis les temps lointains de Huet, évèque d’Avranches, quiconque a parlé des fabliaux l’a proclamé : ils viennent de l’Inde. Tout récemment encore, dans sa Littérature française au moyen âge[1], — qui, pour chaque question, sait nous dire où en est aujourd’hui la science, souvent où elle en sera demain, — M. Gaston Paris écrivait :

« D’où venaient les fabliaux ? La plupart avaient une origine orientale. C’est dans l’Inde, en remontant le courant qui nous les amène, que nous en trouvons la source la plus reculée (bien que plusieurs d’entre eux, adoptés par la littérature indienne et transmis par elle, ne lui appartiennent pas originairement et aient été empruntés à des littératures plus anciennes). Le bouddhisme, ami des exemples et des paraboles, contribua à faire recueillir ces contes de toutes parts et en fit aussi inventer d’excellents. Ces contes ont pénétré en Europe par deux intermédiaires principaux : par Byzance, qui les tenait de la Syrie ou de la Perse, laquelle les importait directement de l’Inde, et par les Arabes. L’importation arabe se fit elle-même en deux endroits très différents : en Espagne, notamment par l’intermédiaire des Juifs, et en Syrie, au temps des Croisades. En Espagne, la transmission fut surtout littéraire… ; en Orient, au contraire, les croisés, qui vécurent avec la

  1. (2e édition, 1890, p. 111.)