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montrent ; ses suffrages, bien loin de lui coûter un effort, sont pour lui-même une occasion de plaisir sincère ; il les donne avec chaleur, avec abondance, souvent même avec exaltation.

J.-J. Rousseau eut ce caractère de l’homme de génie ; il l’eut surtout à l’égard de Voltaire ; et Voltaire fut bien souvent injuste à son égard ; il lui échappa même des procédés et des écrits indignes d’un honnête homme ; sa domination, assez douce tant qu’elle reposa sur une concession générale, devint une tyrannie lorsque l’on s’apprêta à ne plus la reconnaître ; semblable par son caractère à bien des femmes autrefois très-séduisantes, à mesure qu’il perdit ses droits aux hommages, il s’irrita de ne plus les obtenir ; il se déchaîna surtout avec violence contre les écrivains qui prononcèrent publiquement sur ses derniers ouvrages le jugement qui, en secret, était déjà prononcé par son goût et sa raison ; plus d’une fois alors ses expressions, ses injures, ses ressentimens eurent l’accent de la haine ; il se montra ainsi livré au supplice des âmes faibles ; mais la mobilité de son caractère réussit, par intervalles, à l’en affranchir.

Je ne dirai point de Voltaire, comme je l’ai