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dans sa pensée, pour que l’honneur lui commandât d’éclairer ses accusateurs, ou de leur répondre ? Enfin, les mouvemens extraordinaires que ses ouvrages avaient produits, les agresseurs et les partisans, également passionnés, également nombreux, dont il avait si long-temps été environné, ne lui avaient-il pas donné le droit de croire que son nom occuperait la postérité, et devait-il consentir à ce que sa mémoire fut d’avance accompagnée du cortège le plus humiliant, le plus odieux, et, dans sa persuasion, le plus injuste ? Tout homme impartial reconnaître que, si J.-J. Rousseau avait pu être indifférent à l’opinion de ses contemporains, et à sa future renommée, il aurait été réellement digne des accusations les plus flétrissantes : car, de cette indifférence, il aurait fallu conclure que, toute sa vie, il avait joué la grandeur d’âme et la fierté. Mais on ne joue pas le talent très-élevé, l’éloquence mâle, abondante, forte ; et ce talent, cette éloquence, ne peuvent jamais être que l’expression, et comme les traits extérieurs d’une âme fière et magnanime. J.-J. Rousseau était donc très malheureux, excessivement malheureux, par la certitude que, s’il gardait le silence, il serait jamais présenté comme un écrivain