Page:Azaïs - Jugement philosophique sur J.J. Rousseau et sur Voltaire.djvu/17

Cette page a été validée par deux contributeurs.

éducation et de ses contemporains que des idées obscures, des vérités incomplètes ou déguisées par un très-grand mélange d’illusions et d’erreurs. Lorsque sa raison, naturellement forte et judicieuse, parvenait à séparer ce qui était vrai, ce qui devait toujours l’être, de ce qui avait été imaginé par les hommes, il éprouvait une jouissance très-vive, composée de tous les plaisirs de l’amour-propre et de ceux du jugement. Se sentant à la fois singulièrement honoré et satisfait, son caractère prenait une grande fierté, et son langage une grande éloquence. Séduit alors par l’ardeur et la noblesse de cette volupté intérieure, il ne s’arrêtait plus ; il saisissait, comme des vérités absolues et d’une très-haute importance, les pensées brillantes et exagérées auxquelles il s’abandonnait ; il prenait aussi son inspiration passagère pour une mission divine, pour la voix éternelle de la nature et des siècles ; et bientôt son excellent jugement l’avertissait par des réflexions secrètes, obstinées, importunes, que ses pensées, ses maximes, n’étaient point d’une application exacte, universelle. Alors, pour relever son enthousiasme prêt à tomber, il s’irritait contre les résistances qu’il éprouvait en lui-même, et contre celles qui lui étaient opposées ; il quittait