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DISCOURS PRELIMINAIRE

pas abſolument dire par là que ces hommes ſi entreprenans ſoient ici nos maîtres ; car après les découvertes que nous avons faites ſur la méchanique & ſur la ſcience des eaux, qui forment la baſe de l’Architecture hydraulique, nous devons avoir beaucoup d’avantages ſur eux. Cependant quand on conſidere les fragmens de leurs ponts, les débris de leurs aqueducs, & ces triples canaux dont l’idée ſeule étonne l’ame, & qui ſubſiſtent depuis tant de ſiécles, on ne peut s’empêcher de s’écrier : Que vous étiez grands, Romains, vous qui avec les ſeules forces de l’imagination avez produit des choſes ſi admirables ! Que feriez-vous aujourd’hui, ſi avec cette vigueur d’eſprit, cette étendue de vûes, cette conſtance dans les travaux, vous jouiſſiez de nos découvertes ? Vous nous prouvez bien que vous êtes venus dans les beaux jours de la nature. Nous ſommes, nous l’avouons, d’une conſtitution moins forte que la vôtre. Mais que diriez-vous auſſi, ſi vous voyiez nos inventions qui préviennent nos beſoins, & qui multiplient nos plaiſirs ? & que devons-nous en penſer nous-même ? Font-elles plus d’honneur à l’humanité que ces vaſtes entrepriſes qui en impoſent tant à nos ſens ? c’eſt ce que nous laiſſons à décider.

Ce ſeroit ſans doute ici le lieu de faire l’éloge des deux Architectures auxquelles notre Dictionnaire eſt conſacré, ſi la ſimple expoſition de leur objet ne les rendoit aſſez recommendables. Nous ne dirons donc point que ce ſont les deux arts les plus utiles à la ſociété, comme on l’a publié dans quelques ouvrages modernes ; parce que les arts véritablement tels ont pour unique objet le progrès de la raiſon. Mais en nous renfermant dans ces jutes limites, nous croyons pouvoir aſſurer qu’aucun art n’eſt à cette fin d’un plus grand ſecours que l’Architecture : car qu’y a-t-il ou de plus agréable pour les perſonnes qui ne peuvent que s’amuſer, ou de plus digne de conſidération pour celles qui ſont capables de s’inſtruire ?[1]

  1. Quid enim hoc opere innocentius vacantibus, aut quid plenius magna conſideatione prudentibus ? s. Auguſtin, de Genef. ad Litt. liv. VIII. ch. 9.