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ſolidité à toute épreuve. Pour connoitre les matériaux qui formoient cette ſolidité, Nicolas Bergier, après avoir fais pluſieurs recherches ſur ce ſujet dans ſon Traité des grands Chemins de l’Empire Romain, a trouvé qu’en géneral il y avoit 1o. une couche d’un pouce d’épais d’une eſpèce de mortier, ou de ciment, fait de ſable & de chaux : 2o. une couche de dix pouces d’epaiſſeur, de pierres larges & plates, qui formoit une ſorte de maçonnerie faite en bain de ciment très dur, où les pierres étoient poſées les unes ſur les autres : 3o. une autre couche de maçonnerie de huit pouces d’épaiſſeur, faite de pierres à peu près rondes, & mêlées avec des morceaux de brique, le tout lie ſi fortement, que le meilleur ouvrier ne pouvoit en rompre dans une heure que ce qu’il en pouvoit porter : 4o une autre couche d’une eſpèce de ciment blanchâtre, & très-dur, qui reſſembloit à de la craie gluante.

Cette découverte de M. Bergier s’accorde aſſez avec ce que Vitruve rapporte des paves de ſon temps. Il dit qu’on mettoit, 1o. une couche de cailloux poſé en bain de ciment ou de mortier : 2o. une maçonnerie faite avec des moilons caſſés, & la chaux battue avec la demoiſelle, ſur l’épaiſſeur au moins de neuf pouces : 3o. un ciment de ſix pouces d’épaiſſeur, fait avec deux tiers de brique pilée, & mêlée avec un tiers de chaux : 4o. enfin une dernière couche, qui étoit tantôt de pierres plates, à peu près comme nos dales, & tantôt de briques.

Nous n’avons pas aujourd’hui des Chemins ſi grands & ſi longs, & peut-être ſi ſolides que ceux des Romains ; mais il y a tout lieu de penſer que le nombre des nôtres eſt beaucoup plus grand. Et malgré leur quantité, le ſoin qu’on donne à leur entretien répond au moins aux attentions des Romains. Les grands Chemins de France, qui traversent les provinces, & qui font les grandes routes, où les poſtes du Royaume courent tous les jours, ſont, à l’exemple des Romains, tantôt pavés (lorſque le terrein n’eſt point aſſez ſolide) ; tantôt couverts de graviers pour en aſſurer l’aire, & pour la deſſécher ; tantôt ſoutenus & ſoulevés par des murs de ſoutenement, pour éviter les lieux bourbeux ; tantôt garnis de ponts, pour donner paſſage aux eaux qui les percent ; & enfin toujours compoſés ſuivant que la nature du terrein & la dispoſition des lieux le demandent. M. Gautier a fait un Traité de la conſtruction des grands Chemins. M. De la Piſe en traite auſſi dans ſon Hiſtoire d’Orange, pag. 35. Et Iſidore prétend que les Carthaginois ont les premiers pavé les grands Chemins, & qu’ils ont été ſuivis par les Romains. (Iſidor. Origin, liv. XV. ch. dernier.) Voici la diviſion des différentes eſpèces de Chemins, ſuivant l’ordre alphabétique.

Chemin aquatique On appelle ainſi tous les Chemins faits ſur les eaux courantes des fleuves & des torrens, comme les ponts & digues ; & ſur les eaux dormantes, comme les levées & chauſſées, à travers les marais & les étangs. On comprend auſſi ſous le nom de Chemin aquatique, les rivières navigables, & les canaux faits à la main, comme on en voit en Italie, en Flandre, en Hollande, & en France à Briare, dans le Languedoc, & à Orleans.

Chemin artificiel C’eſt un Chemin qu’on fait & force de bras, ſoit de terre rapportée ou de maçonnerie, & dont le travail a ſurmonté les difficultés qui s’oppoſoient & ſon exécution, comme ſont la plûpart des levées le long des rivières, des marais, des étangs, &c.

Chemin comblé Ceci a deux ſignifications. Ou c’eſt un Chemin qui eſt fait dans une vallée ou fondriere, pour regagner deux côtes de montagne ; ou un Chemin antique, que les décombres de quelque ville voisine ont couvert de certaine hauteur de matériaux, enſorte qu’en fouillant, on découvre l’aire de l’ancien pavé.

Chemin de carriere. C’eſt, ou le puits par où l’on deſcend dans une carriere pour la fouiller, ou l’ouverture qu’on fait à la côte d’une montagne, pour en tirer de la pierre ou du marbre.

Chemin de traverſe. Chemin qui communique à un grand Chemin. On appelle auſſi Chemin de traverſe, tout ſentier de détour plus court qu’une route ordinaire.