res d’un fleuve, &c. pour les conduire à différens endroits. Dans le premier cas, ce lieu s’appelle Canal de communication ; & dans le ſecond, Canal d’arroſage. Nous allons faire connoître ces deux Canaux dans deux articles ſéparés.
Canal d’arroſage. Cette invention, utile pour fertiliſer les terres, eſt dûe aux Egyptiens, qui conduiſoient ainſi les eaux du Nil dans les endroits les plus éloignés. Quand la ſituation du terrein qu’on vouloit arroſer étoit au-deſſous de l’eau, le Canal d’arroſage étoit un ſimple tuyau de conduite qui ſe diviſoit en différentes branches pour diſperſer ſon eau ſur pluſieurs endroits. Mais lorſque le terrein ſe trouvoit ſupérieur au lit de l’eau, les Egyptiens employoient des machines pour élever l’eau, & ſur-tout là vis d’Archimede, qu’on croit avoir été imaginée à cette fin, dans un voyage que ce grand Mathématicien fit en Égypte.
Les Italiens, les Provençaux, les Dauphinois, &c. profitant des lumieres des Egyptiens ſur les avantages des Canaux en ont conſtruit un grand nombre ; & on les regarde aujourd’hui comme la ſource des richeſſes d’un pays. En faveur de l’importance du ſujet, voici une idée de la conſtruction des Canaux d’arroſage.
Suppoſant qu’on ait un fleuve plus élevé que le terrein des campagnes qu’on veut arroſer, on leve d’abord exactement le plan de ce terrein, & on en prend le niveau. Dans ce nivellement, on marque les principaux points à demeure ſur les lieux mêmes par des repaires, qui ſervent à diriger le Canal. Ces deux opérations faites, on travaille à l’ouverture du Canal, dont on régle la pente, la largeur & la profondeur, ſuivant la rapidité de l’eau qu’il doit contenir, & l’uſage dont il doit être ; ce que le plan & le nivellement du lieu déterminent. Comme ce Canal doit avoir pluſieurs branches qui fourniſſent l’eau dans les rigoles d’arroſage, on lui fait ſuivre les coteaux, au moyen deſquels on en ſoutient la hauteur, en lui donnant une pente qui maintient toujours les eaux a une élévation plus grande que celle qu’a le fleuve, à meſure que le Canal s’éloigne de l’endroit de ſon ouverture. Ainſi, ſi le lit de ce fleuve avoit une ligne de pente par toiſe courante, & qu’on ne donnât que la moitié de cette pente au lit du Canal, ce lit devroit être, à la diſtance de deux cens toiſes, plus élevé de huit pouces quatre lignes que le niveau des eaux du fleuve, pris à la même diſtance. Pour faciliter l’application de cette régle & de cet exemple, diſons que les rivieres les plus rapides n’ont gueres dans leur cours uniforme que deux lignes par toiſe, ou ſeize pouces huit lignes par cent toiſes.
Nous avons dit que l’utilité des Canaux d’arroſage étoit très-grande, & nous n’en avons point donne de preuves, parce que nous croyons que la choſe eſt trop évidente pour avoir beſoin d’être appuyée. Cependant c’eſt un prodige ſi étonnant que celui qu’a fait en Provence un Canal d’arroſage, que nous ne croyons pas devoir le paſſer fous ſilence. Voici ce que c’eſt.
Entre Arles & Salon (en Provence) eſt une plaine qu’on nomme la Crau, qui a près de ſix lieues de long & environ trois lieues de large, & eſt ſi couverte de cailloux, qu’on n’y voit preſque point de terre. Cette plaine, inutile par elle-même, étoit ſur-tout fâcheuſe aux voyageurs, qui en la traverſant étoient brûlés dans l’été par l’ardeur du ſoleil, ſans pouvoir trouver un aſyle pour ſe mettre a l’ombre. Tout y reſpiroit la ſechereſſe & la ſtérilité, & rien n’étoit plus triſte que la vûe de cette plaine. Quelqu’un vit à regret un terrein ſi vaſte, inutile. Il l’examina ; & comme ce quelqu’un, nommé M. Adam de Crapone, gentilhomme Provençal, étoit un habile homme, il reconnut par des nivellemens, que la Durance, priſe près du village de la Roque, à ſix lieues au-deſſus de ſon embouchure dans le Rhône, étoit beaucoup ſupérieure à cette plaine. D’où il conclut qu’on pouvoit répandre en abondance l’eau ſur cette terre aride, & que le limon qu’elle y dépoſeroit, pourroit lui donner de la vie. Dans cette vûe, M. Crapone fit faire en 1558, un Canal qui porte aujourd’hui ſon nom, qu’il coupa par un grand nombre de rigoles tranſverſales. Ce fut alors