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mademoiselle de Ligniville, nièce de madame de Graffigny, il se retira sur sa belle propriété de Voré, pour s’y livrer à l’étude, dans la pensée qu’il pourrait se faire un nom à côté de celui de Montesquieu ; en vertu du principe qu’il a énoncé plus tard, dans son livre, que par la méthode et l’émulation, on pouvait faire des hommes de génie. Au milieu d’observations quelquefois très-judicieuses, cet ouvrage renferme des erreurs capitales. À part celle que nous venons d’indiquer, il contient des aberrations d’une espèce plus grave, puisqu’elles portent sur la morale dont le principe, aux yeux de l’auteur, serait l’intérêt personnel bien entendu. En outre, faute d’avoir établi la division fondamentale entre les deux facteurs qui concourent à former les idées que nous avons des phénomènes naturels, il fait résulter toutes nos conceptions de l’impression des objets sur nos sens, et néglige ce qui tient à l’élaboration cérébrale, ou, comme on l’a dit depuis, au Sujet.

Le livre de l’Esprit, on le voit, n’était pas bon ; mais son peu de valeur, pas plus que le danger imaginaire qu’il faisait courir à la moralité, — laquelle repose bien plus sur les habitudes acquises que sur des théories vagues ou fausses dont le bon sens universel fait bientôt justice, — n’expliquent la sévérité qu’on déploya contre l’auteur. Effrayé par le danger qui le menaçait, Helvétius rédigea sous forme de lettre une première déclaration, bientôt suivie d’une rétractation précise dans laquelle, il disait : « Je n’ai voulu attaquer aucune des vérités