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s’excuser de ne pas accompagner madame d’Épinay, Rousseau donne pour raison l’état de sa santé, et c’est en effet le seul motif qu’il pût alléguer ; cependant on remarquera que Diderot ne l’avait pas trouvé suffisant et qu’à ce moment, où il est dans les meilleurs termes avec Jean-Jacques et loin d’être bien avec madame d’Épinay, il ne paraît pas redouter pour son ami les fatigues de ce voyage. Outre cette excuse, Rousseau donne un prétexte qui, par la manière dont il est présenté, a quelque chose d’odieux : « il ne voulait pas servir de chaperon à madame d’Épinay ! » Même en admettant l’exactitude des commérages d’antichambres sur lesquels s’appuie Jean-Jacques pour accuser sa bienfaitrice de manœuvres destinées à cacher une faute, il devait encore partir. Or, rien n’est moins prouvé. Certes, nous savons que la chasteté n’était pas la vertu dominante de madame d’Épinay ; M. d’Épinay ne l’ignorait pas non plus. Comme l’a dit un de nos contemporains[1], sa femme ne faisait ni mystère ni vanité de sa liaison avec Grimm. Pourquoi donc, entre deux suppositions, choisir la plus compliquée et la plus malveillante quand une vérité bien simple pourrait tout expliquer ? Ne savait-on pas que Tronchin était déjà venu à Paris, que madame d’Épinay l’avait consulté ? et puis comme le secret aurait été bien gardé ! M. d’Épinay conduit lui-même sa femme à Genève, en compagnie de leur fils et de Linant, son instituteur[2].

  1. M. Saint-Marc-Girardin.
  2. À cause de la similitude des noms, on a quelquefois