Page:Avezac-Lavigne - Diderot et la Société du baron d’Holbach, 1875.djvu/60

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

Rousseau avec tous ses amis. Mais laissons raconter Jean-Jacques lui-même : « Un jour, dit-il, que je ne songeais à rien moins, madame d’Épinay m’envoya chercher. En entrant j’aperçus dans ses yeux et dans toute sa contenance un air de trouble dont je fus d’autant plus frappé, que cet air ne lui était pas ordinaire, personne au monde ne sachant mieux qu’elle gouverner son visage et ses mouvements. « Mon ami, me dit-elle, je pars pour Genève ; ma poitrine est en mauvais état, ma santé se délabre au point que toute chose cessante, il faut que j’aille voir et consulter Tronchin. » Cette résolution si brusquement prise, et à l’entrée de la mauvaise saison, m’étonna d’autant plus que je l’avais quittée trente-six heures auparavant, sans qu’il en fût question. Je lui demandai qui elle emmènerait avec elle. Elle me dit qu’elle emmènerait son fils avec M. de Linant ; et puis elle ajouta négligemment : « et vous, mon ours, ne viendrez-vous pas aussi ? » Comme je ne crus pas qu’elle parlât sérieusement sachant que, dans la saison où nous entrions, j’étais à peine en état de sortir de ma chambre, je plaisantai sur l’utilité d’un malade pour un autre malade ; elle parut elle-même n’en avoir pas fait tout de bon la proposition et il n’en fut plus question. Nous ne parlâmes plus que des préparatifs de voyage dont elle s’occupait avec beaucoup de vivacité, étant résolue à partir dans quinze jours. Elle ne perdit rien à mon refus, ayant engagé son mari à l’accompagner. »

Quelques jours après, Rousseau reçut de Diderot