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était revenu dans la société du baron, qu’il n’a cessé de fréquenter que depuis son départ pour l’Ermitage, en 1756. La supposition la plus probable est que Jean-Jacques, avec son caractère méfiant et son intolérance, ne pouvait supporter plus longtemps sans impatience d’entendre émettre des opinions si radicalement contraires aux siennes sur Dieu et ses attributs. Parmi les commensaux du baron il y avait bien des déistes à la façon de Rousseau, mais ils souffraient qu’on discutât leurs idées, tandis que, sur ce point, Jean-Jacques était intraitable : aussi aura-t-il pensé à rompre avec une société qui lui donnait tant de sujets d’irritation. Quoique brouillé avec le baron, Jean-Jacques n’avait pas cessé de voir intimement Grimm et Diderot. Pour déterminer une rupture avec ses deux amis, il fallait que l’isolement le rendît tout à fait misan-

    et en remettant les cotons dans ses oreilles, il sortit brusquement. Voilà, dit le curé froidement, un homme qui ne sait pas que vive Dieu est le serment des Hébreux. Dans un autre endroit, Bethsabée pressée par David de le rendre heureux, veut le piquer d’honneur et lui rappelle ses grandes actions passées ; elle dit :

    Vous sûtes arracher Saül à ses furies,
    Où ce prince vainqueur de mille incirconcis,
    Frémissait que David en eut dix mille occis.
    Ah ! Dieu quel vers, s’écria le citoyen de Genève et pourquoi occis ? pourquoi pas tué ? — Je pourrais, lui dit froidement le curé, vous répondre que tué ne rime pas avec incirconcis ; mais, apparemment que vous vous imaginez que tué et occis sont des synonymes ; apprenez, Monsieur, que cela n’est pas : On dit tous les jours : cet homme me tue par ses discours et l’on n’en est pas occis pour cela. — J’avoue, reprit le citoyen, qu’il doit être fort fâcheux d’être occis, mais je ne me soucierais pas même d’être tué..... »