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grand crédit auprès des puissances, rien ne lui était plus facile que de se venger d’un homme sans protecteurs et que l’autorité avait déjà fort mal noté à cause de ses opinions. C’est ce qui arriva[1]. Le 24 juillet 1749, un commissaire se présenta chez Diderot avec ordre de l’arrêter et de le conduire au donjon de Vincennes.

Dans cette circonstance pénible, madame Diderot montra, disons-le, beaucoup de caractère. Qui ne sait que l’énergie n’est pas inconciliable avec les défauts dont elle paraît avoir été si amplement pourvue ! Comme M. Berrier, lieutenant de police, l’interrogeait et insistait pour qu’elle lui fît connaître où était caché un petit conte intitulé le Pigeon blanc, que son mari venait de terminer et qu’il avait lu à quelques amis, madame Diderot répondit : « que jamais elle n’avait rien vu ni rien lu des ouvrages de son mari ; que, livrée entièrement à son ménage, elle ne s’était jamais mêlée des sciences dont il aimait à s’occuper ; qu’enfin, elle ne connaissait ni pigeon blanc, ni pigeon noir. »

Connaissant le tempérament de Diderot, on comprend aisément que la prison dut lui faire une impression terrible. Cette solitude, ce manque absolu de mouvement, de liberté, ne pouvait durer longtemps sans altérer gravement sa santé. Enfin,

  1. Madame Dupré de Saint-Maur, qui assistait à l’opération et qui s’était crue visée dans le paragraphe, usa, dit-on, de toute son influence auprès de M. d’Argenson, pour l’amener à sévir contre l’auteur.