Page:Avezac-Lavigne - Diderot et la Société du baron d’Holbach, 1875.djvu/29

Cette page a été validée par deux contributeurs.

n’impliquait aucune contradiction importante et qui pouvaient subsister par eux-mêmes et se perpétuer ?[1] »

Écartant la question métaphysique relative à l’origine des choses, origine à jamais inaccessible, il est incontestable que ni la conception du monde ni la morale ne sauraient être les mêmes pour un aveugle que pour un clairvoyant ; et c’est dans cette vérité, exposée d’une manière piquante, et dont on peut tirer des conséquences considérables, que consiste principalement la force de l’ouvrage.

Pendant que Diderot méditait son livre, il apprit que M. de Réaumur avait chez lui une aveugle-née à laquelle on allait abaisser la cataracte. L’occasion lui paraissant favorable à d’utiles observations, il pria M. de Réaumur de lui permettre d’assister à l’opération ; mais il essuya un refus catégorique. Alors, n’écoutant que son ressentiment, il écrivit au commencement de sa Lettre « que l’habile académicien n’avait voulu laisser tomber le voile que devant quelques yeux sans conséquence, et que les observations d’un homme aussi célèbre ont moins besoin de spectateurs quand elles se font, que d’auditeurs quand elles sont faites. »

Ces paroles irritèrent profondément M. de Réaumur ; et, comme par son renom de savant et sa parenté avec le président Hénault, il jouissait d’un

  1. On voit dans ce passage le germe de la théorie de Lamarck, reproduite de nos jours, par Darwin, à grand renfort d’observations savantes.