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occasion de voir Diderot, mais sans avoir entretenu avec lui des rapports bien suivis. Cette fois, ils se lièrent d’une manière très-étroite. Ils étaient à peu près du même âge ; tous deux aimaient la musique avec fureur, l’un et l’autre en connaissaient parfaitement la théorie[1]. Ce devait être pour eux à l’hôtel du Panier fleuri, où ils dînaient une fois la semaine, un sujet inépuisable de conversation.

Quelquefois, Condillac se joignait à eux. Jean-Jacques l’avait connu, ainsi que l’abbé Mably, en 1739, pendant qu’il était instituteur des deux fils de leur frère, le grand-prévôt de Lyon.

À l’hôtel, les trois jeunes gens s’entretenaient de leurs projets, de leurs espérances. Ils n’en étaient encore, en effet, qu’aux espérances. Sauf sa Notation nouvelle de la musique parue en 1742, Rousseau n’avait encore rien publié, et Diderot n’avait produit qu’une chétive traduction de l’Histoire de la Grèce par Stanyan, en 1743, bientôt suivie de celle du Dictionnaire de Médecine, de James, en collaboration avec Eidous et Toussaint, lesquelles étaient loin de donner la mesure de ses moyens. Quant à Condillac,

  1. Grétry dit dans ses Mémoires : « J’avais fait de deux manières différentes le morceau : Ah ! laissez-moi la pleurer de Zémire et Azor, lorsque Diderot vint chez moi : il ne fut pas content, sans doute, car sans approuver ou blâmer, il se mit à déclamer ce vers. Je substituai des sons au bruit déclamé de ce début et le reste du morceau alla de suite.

    » Il ne fallait pas, continue Grétry, écouter ni Diderot ni l’abbé Arnaud, lorsqu’ils donnaient carrière à leur imagination : mais le premier élan de ces deux hommes brûlants était d’inspiration divine. »