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DIDEROT

mais aucun signe caractéristique de son génie. Il avait les yeux petits, mais le regard vif, sa bouche était grande, son sourire avait de la finesse, quelquefois de l’amertume. Ce qu’il était plus aisé de démêler dans l’ensemble de sa figure c’était, d’après Meister[1], « l’habitude d’une attention pénétrante, l’originalité naïve d’une humeur moins triste qu’irascible et chagrine[2]. Sa stature était petite et fluette, le son de sa voix clair et perçant. Son extérieur était de la plus extrême simplicité ; il était presque toujours habillé de la tête aux pieds d’une seule couleur[3]. Il parlait bien et apportait dans sa conversation la précision mathématique. Ses bons mots étaient dits avec une grâce

  1. Correspondance littéraire.
  2. Ce portrait doit être des derniers temps du géomètre, car, dans sa maturité, d’Alembert était très-gai. Il donnait la vie aux salons de madame du Deffand et de madame Geoffrin.
  3. Diderot ne s’habillait jamais que de noir, c’est ce vêtement noir qui a donné lieu à la scène suivante racontée dans les Mémoires secrets (5 janvier 1772) : « On sait que M. Diderot est honoré des bontés particulières de l’impératrice de Russie et qu’il est comme son agent littéraire dans la capitale. Il s’est mêlé en cette qualité du marché fait par cette souveraine, du cabinet de tableaux de M. le baron de Thiers, qu’elle a acheté en entier. Cela a donné lieu à quelques conférences entre M. Diderot et les héritiers du défunt dont est M. le maréchal de Broglie, par sa femme. Ce maréchal, très-honnête, a pour frère M. le comte de Broglie, parfois très-mauvais plaisant. Un jour qu’il se trouvait à une conférence du philosophe en question avec M. le Maréchal, il voulut le tourner eu ridicule sur l’habit noir qu’il portait. Il lui demanda s’il était en deuil des Russes ? Si j’avais à porter le deuil d’une nation, monsieur le comte, lui répondit M. Diderot, je n’irais pas la chercher si loin. »