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pour rendre service à Grimm, une nouvelle tâche : il venait de terminer la revue du Salon de 1765, que son ami devait envoyer aux princes, ses correspondants.

« J’ai écrit, dit Diderot[1], quinze jours de suite, du soir au matin, et j’ai rempli d’idées et de style plus de deux cents pages de l’écriture petite et menue dont je vous écris mes longues lettres et sur le même papier, ce qui fournirait un bon volume d’impression ; j’ai appris en même temps que mon amour-propre n’avait pas besoin d’une rétribution populaire, qu’il m’était même assez indifférent d’être plus ou moins apprécié par ceux que je fréquente habituellement, et que je pourrais être satisfait, s’il y avait un homme que j’estimasse et qui sût bien ce que je vaux. Grimm le sait, et peut-être ne l’a-t-il jamais su comme à présent ! Il m’est doux aussi de penser que j’aurai procuré quelques moments d’amusement à ma bienfaitrice de Russie, écrasé par-ci, par-là, le fanatisme et les préjugés, et donné, par occasion, quelques leçons aux souverains qui n’en deviendront pas meilleurs pour cela ; mais ce ne sera pas faute d’avoir entendu la vérité et de l’avoir entendue sans ménagements ; ils sont de temps en temps apostrophés et peints comme des artisans de malheur et d’illusions, et des marchands de crainte et d’espérance[2].

  1. Lettre à mademoiselle Voland, du 10 novembre 1765.
  2. Il est très-probable que Grimm, avant d’envoyer le travail