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seulement universelle, qu’il se contente de conserver les genres et les espèces[1], et de présider au tout, sans s’inquiéter de la manière dont chaque individu passe cette courte vie. »

Qui ne voit que par cette conception du monde, il faut limiter, ou la puissance du Créateur, ou sa bonté. Or, un Dieu dépourvu de bonté ne serait-il pas en morale, malgré sa puissance, le plus dangereux idéal qu’on puisse offrir pour exemple ; et puis, que d’affirmations sans preuves, que d’hypothèses invérifiables ! Le tout est bien, qu’en savez-vous ? Avez-vous trouvé une loi générale du monde, à laquelle sont subordonnées toutes les autres ? En un mot, Leibnitz, malgré tout son génie, a-t-il pu faire une synthèse objective ? Nullement. L’idée que nous nous formons de l’univers ne saurait être que relative ou subjective, c’est-à-dire humaine ; ici c’est tout un. Le terrain sur lequel s’était placé Rousseau était bien choisi, car les arguments de Voltaire, très-bons pour le point de vue humain où il s’était mis, étaient sans force contre la formule le tout est bien. C’est pourquoi il crut prudent de se dérober à la discussion, et répondit à Jean-Jacques[2] : « Mon cher philosophe, nous pouvons, vous et moi, dans les intervalles de nos maux, raisonner en vers et en prose ; mais dans le moment présent, vous me pardonnerez de laisser là toutes ces discussions philosophiques, qui ne sont que

  1. La géologie prouve que cette assertion est erronée.
  2. 12 septembre 1756.