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HISTOIRE DE LA PRESSE FRANÇAISE

Il avait de ces mots à double tranchant qui coupaient également les doigts aux deux partis contraires, trop prompts à s’en emparer : « Les vices de la cour ont commencé la Révolution. Les vices du peuple l’achèveront. La populace de Paris et celle de toutes les villes du royaume ont encore bien des crimes à commettre avant d’égaler les sottises de la cour et des grands. »

Dans le Journal politique national, Rivarol ne prétendait écrire, suivant ses propres expressions, qu’une suite de réflexions sur les décrets de l’Assemblée nationale, sur les fautes du gouvernement et sur les malheurs de la France. Mais, grâce à l’éclat de son style, ses récits et ses tableaux sont dignes d’être lus par la postérité, car quelques-uns touchent au chef-d’œuvre.

A la même époque, Rivarol burinait certains portraits de la Galerie des Etats Généraux et des dames françaises ; et, un peu plus tard, il publiait le Petit Dictionnaire des grands hommes de la Révolution, par un citoyen actif, cy devant rien, où la haine la plus aveugle se donne carrière avec une liberté qui dégénère en licence. Dans une Epitre dédicatoire à S. E. Madame la baronne de Staël, Rivarol poursuit d’une haine injuste, qui va jusqu’à la méchanceté et à la cruauté, une femme d’un esprit et d’un cœur généreux. Il nous suffira de rappeler le début de cette Epitre dédicatoire : « Madame, publier le Dictionnaire des grands hommes du jour, c’est vous offrir la liste de vos adorateurs. » Ce n’est plus là du persiflage, ce ne sont plus de légères égratignures, mais des blessures profondes, qui arrêtent le rire et inspirent le dégoût.

C’est surtout dans les Actes des Apôtres, journal qui commença à paraître le 2 novembre 1789, le jour des Morts, que Rivarol donna un libre cours à ses bouffonneries grossières, parfois même ordurières. Il fait la guerre aux hommes et aux choses de la Révolution par tous les moyens, bons ou mauvais. Il écrit, comme on l’a dil. pour la meilleure société de son temps, sur le ton de la plus mauvaise compagnie. Ecoutez-le : « C’est toute la canaillerie de l’Assemblée Nationale qui a dicté le décret qui supprime la noblesse. La clique purulente des avocats n’y a pas peu contribué. »

Rivarol collaborait, dans les Actes des Apôtres, avec Peltier, Champcenetz, Suleau, Mirabeau cadet, Montlosier, le comte de Langeron, Bergasse, Régnier, Béville, Langlois, Artaud, le chanoine Turménie, l’abbé de la Bintinaie, etc.

Ces nobles défenseurs du trône et de l’autel ramassent la boue du