d’un imprévu charmant. Un soir, entrant dans la rédaction, il y aperçut une tête nouvelle ; c’était un brave petit garçon, engagé le matin même pour faire la Mercuriale des Halles et marchés.
— Ah ! lui dit About, vous êtes notre nouveau collaborateur ?
— Oui, monsieur, fit l’autre, timidement…
— Et vous allez faire la mercuriale des Halles et marchés ?
— Oui, Monsieur…
— Très bien. Je ne vous ferai qu’une seule recommandation :
Inspirez-vous toujours de la ligne de conduite du journal !…
Edmond About était cependant quelque peu susceptible. Il n’aimait pas que ses collaborateurs missent, en dehors de lui, le journal en avant, et il prit fort mal la décoration donnée par Jules Simon à Schnerb, comme principal rédacteur du XIXe Siècle. C’est ce qui obligea Schnerb à quitter le journal et le journalisme, pour entrer dans les fonctions administratives, où il termina sa carrière.
Edmond About explique, dans un article du 2 mai 1872, le programme politique qu’il se proposait de suivre. En voici un extrait, qui peint très exactement l’état des esprits à cette époque : « Le peuple n’appartient qu’à lui-même, il le sait ; il ne croit plus au droit divin de ceux-ci ni à la mission providentielle de ceux-là. Il s’est livré pieds et poings liés à l’Empereur Napoléon III, et cet acte de foi lui a coûté 10 milliards et deux provinces. Instruit par une si cruelle expérience, il sent que désormais il aura tout profit à économiser les frais du culte monarchique et à faire ses affaires lui-même. Ce sentiment, qui parait être celui de la majorité des Français, est le nôtre. Nous sommes résolus à le défendre au jour le jour et à combattre poliment, mais résolument, les prétentions des restaurateurs de l’Empire et de la Royauté. Si la France a besoin d’un gouvernement stable, le plus stable de tous est celui qui n’a rien à craindre des caprices des princes, de leur ambition, de leur minorité, de leur sénilité, de leur mort… La majorité de la nouvelle Chambre sera républicaine, nous en sommes bien sûrs ; la seule question pour nous est de savoir si elle aura assez de bon sens, de droiture et de modération pour construire une République habitable. Si le suffrage universel choisit des radicaux, il nous jette dans l’anarchie, c’est-à-dire dans un chemin qui mène droit au despotisme : … Supposez au contraire que la France ait l’esprit de confier ses destinées à des républicains conservateurs. c’est-à-dire à des hommes convaincus que les États se fondent sur l’ordre, sur les lois, sur l’esprit de famille, sur le travail, l’épargne et