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Avec un tel programme le Mercure galant devait obtenir un grand succès ; et il ne tarda pas en effet à devenir tout à fait à la mode. Mais le mauvais goût s’y glissa bien vite, grâce à la fadeur des sonnets et des madrigaux, à la frivolité des aventures galantes. Ses critiques littéraires ne furent pas heureuses, puisqu’elles furent dirigées trop souvent contre Racine et Molière. C’est ainsi que le Mercure prit la défense de Trissotin, si méchamment mis à mal par notre grand écrivain comique, dans les Femmes savantes.

« Jamais, dans une seule année, disait notre recueil, on ne vit tant de belles pièces de théâtre, et le fameux Molière vient de faire représenter, au Palais-Royal, les Femmes savantes, pièce de sa façon qui est tout à fait achevée. Bien des gens font des applications de cette comédie. Un homme de lettres est, dit-on, représenté par M. Trissotin ; mais M. Molière s’est suffisamment justifié de cela par une harangue qu’il a faite au public deux jours après la première représentation de sa pièce. D’ailleurs ce prétendu original de cette agréable comédie ne doit pas s’en mettre en peine ; s’il est aussi sage et aussi habile homme que l’on dit, cela ne servira qu’à faire éclater davantage son mérite, en faisant naître l’envie de le connaître, de lire ses écrits et « l’aller à ses sermons. »

Dans la célèbre querelle des anciens et des modernes, le Mercure prit parti pour Perrault. Boileau s’en vengea par cet épigramme bien connu, où il suppose que tous les dieux de l’Olympe menacent Perrault de leurs regards plus ou moins foudroyants. Il ajoute :

Perrault, craignez enfin quelque triste aventure.
Comment soutiendrez-vous un choc aussi violent ?
Il est vrai, Visé vous assure
Que vous avez pour vous le Mercure ;
Mais c’est le Mercure galant.

Des privilèges accordés à la Gazette, au Journal des savants et au Mercure galant, assurèrent d’abord au premier le monopole de la presse politique et commerciale, au second le monopole de la presse littéraire et scientifique et au troisième le monopole de la petite presse.

Mais la concurrence ne tarda pas à tourner cette barrière fragile. Ce fut le Journal des Savants qui capitula tout d’abord. Moyennant un tribut annuel de quelques centaines de francs payé à ce doyen des recueils littéraires, le premier venu ou à peu près obtint la per-