Pendant plus de quinze années, au commencement de ce siècle, nous avons vu la presse, et avec elle la littérature tout entière, l’esprit français, en un mot, opprimés et humiliés sous la main de fer d’un despote.
L’Empereur vaincu et détrôné, le génie national devait naturellement se réveiller et reprendre ses aspirations vers la liberté, avec d’autant plus d’ardeur qu’il fut plus longtemps comprimé. Napoléon lui-même en avait eu le pressentiment, lorsqu’il disait un jour, en 1809, à M. de Fontanes : « Fontanes, savez-vous ce que j’admire le plus dans le monde ? C’est l’impuissance de la force pour organiser quelque chose. Il n’y a que deux puissances dans le monde, le sabre et l’esprit. À la longue, le sabre est toujours battu par l’esprit. »
La deuxième Restauration eut pour premier et pour principal effet de soustraire la France à cette ivresse militaire, qui lui avait fait oublier les grandes conquêtes civiles et politiques de la Révolution. On eut le spectacle d’une effervescence, d’une agitation merveilleuse des esprits, d’un mouvement intellectuel des plus intenses, comme à la veille de l’enfantement d’un monde nouveau.
Mais on ne tarda pas à s’apercevoir que la société française se divisait en deux camps nettement tranchés : celui qui était dévoué aux idées issues de la révolution, et l’autre, celui de la royauté de droit divin, de la Sainte-Alliance.
Les royalistes ultra, qui allaient composer la majorité de la Chambre introuvable, rentrés en France avec le secours des baïonnettes étrangères, ne prenaient pas la peine de dissimuler leur dessein de faire retirer par des ordonnances les concessions dune charte octroyée. Ils revenaient de leur exil, pleins d’illusions, n’ayant