Page:Avenel - Histoire de la presse française, 1900.djvu/16

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

satires, les injures de Philippe le Bel contre le pape Boniface, qu’il appelle Maliface, sa fatuité et sa sottise au lieu de sa sainteté. Les peuples apprenaient sans peine et récitaient avec affection les vers d’Eustache Deschamps, où, sous l’allégorie d’animaux dépouillés, la brebis de sa laine, la chèvre de ses petits, la laie de ses soies, chacun pouvait reconnaître la condition de la gent menue, aux oreilles de qui retentissaient ces paroles qui sont de toutes les époques : Çà, de l’argent ! çà, de l’argent ! »

La censure avait donc assez rarement l’occasion de sévir contre des livres dangereux. Protéger la religion, maintenir l’unité et la pureté de la foi catholique, tel était à peu près son unique souci. Elle déployait toutes ses rigueurs contre les écrits suspects d’hérésie ou de magie ; elle les condamnait et les livrait aux flammes, sans préjudice des peines prononcées contre les auteurs.

Les premiers livres imprimés furent naturellement soumis au contrôle et à la censure de l’Université, comme les manuscrits, qu’ils étaient appelés à remplacer. Ce contrôle était d’ailleurs facile à exercer, du moins dans les débuts, puisque c’est au cœur même de l’Université, dans les bâtiments du Collège de Sorbonne, que fut installée, en 1469, la première imprimerie parisienne, conduite par trois ouvriers typographes venus d’Allemagne : Ulrich Géring, Michel Friburger et Martin Krantz. D’un autre côté, les imprimeurs de Paris devinrent membres et officiers de l’Université, comme les libraires eux-mêmes ; et l’Université ajouta à ses privilèges celui de recevoir, d’instituer et de surveiller les membres de la nouvelle corporation.

Les ouvrages imprimés en France à la fin du XVe siècle et pendant les premières années du XVIe, furent en grande partie des livres de religion. C’est ce qui explique les éloges et les bienfaits répandus par Louis XII sur les imprimeurs, en raison des services rendus par l’imprimerie à la foi catholique et à la propagation des bonnes et salutaires doctrines. Par une ordonnance datée de Blois le 9 avril 1513, il exempte d’un nouvel impôt les suppôts et officiers de l’Université, les libraires, relieurs, illumineurs et escrivains ; et il ajoute qu’il accorde cette exemption, « pour la considération du grand bien qui est advenu en notre royaume au moyen de l’art et science de l’impression, l’invention de laquelle semble estre plus divine que humaine, laquelle, grâces à Dieu, a esté inventée et trouvée de nostre