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STANCES


Ma saincte, sans mentir, confesse moy ce poinct,
M’ayme-tu de bon cœur, ou si tu le déguise ?
Ma foy, soit que tu ayme, ou que tu n’ayme point :
Tu as beaucoup d’amour, ou beaucoup de feintise.
Mais si tu n’ayme point, à quoy tant de douceurs ?
Et si tu aymes bien à quoy tant de rudesses ?
Faut-il nourrir amour de haineuses rigueurs,
Et la haine allaicter d’amoureuses carresses ?
Souvent un faux amour est si bien coloré
Qu’il est bien mal aisé d’en découvrir la feinte,
Puis ce qu’on ayme tant, n’est jamais asseuré
Un tel thresor ne peut se posseder sans crainte.
Estrange effect d’amour ! Quand te panchant sur moy
Maistresse, je te tiens quelque fois embrassée,

Encor ne suis-je pas asseuré que c’est toy
Tant je crain qu’un demon ne trouble ma pensée.
D’Ixion malheureux je crain la vanité,
Et que pensant tenir ma Junon toute nuë,
Le ciel pour me punir de ma temerité,
Ne suppose en mes bras l’idole d’une nuë.