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Sa noble tête penche et sur mon bras retombe :
Ce cher cadavre est là, déjà prêt pour la tombe !
J’avais un vain espoir que Dieu me le rendit…
Il est donc mort, Seigneur, ainsi qu’il l’avait dit !
Il a tenu parole… Un jour, je me rappelle,
Nous étions tous les deux dans mon Aix-la-Chapelle,
J’avais autour de moi les princes, mes vassaux ;
On parlait de tournois, de batailles, d’assauts,
Chacun de ces gens-là parlant à la légère :
« Si je tombe jamais sur la terre étrangère, »
Dit-il, « je veux tomber le front à l’ennemi ! »
Il ne dit que ce mot, ce cher et noble ami ;
Il le dit, il l’a fait : sa face est bien tournée
Vers toi, cruel pays ! vers toi, race damnée !…
Ce malheur est affreux qui m’accable en ce jour !
Quand ma ville de Laon me verra de retour,
Les gens de chaque ville, ou voisine ou lointaine,
Viendront : « Qu’avez-vous fait du vaillant capitaine ? »
Me diront-ils. Et moi, la face vers le sol :
« Je l’ai laissé, » dirai-je, « au pays espagnol ! »
Ah ! c’est fini. Je sens, quand un tel homme expire,
Je sens pâlir ma gloire et fléchir mon empire.
Tous les peuples demain, en apprenant sa mort,
S’uniront contre moi dans un suprême effort.