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Le maître du logis, qui vint ouvrir la porte,
Était un grand vieillard, au teint de feuille morte ;
Il couvrait de la main, pour l’abriter du vent,
La lanterne de fer qu’il tenait en avant.
« Béni soit l’étranger que cette heure m’amène !
Lui dit-il d’une voix qui s’entendait à peine.
Il fait un rude temps, ce soir ; entrez, seigneur ;
Je ne puis vous traiter avec beaucoup d’honneur :
Essuyons cependant cette belle cuirasse,
Et, sous mon humble toit, asseyez-vous, de grâce ! »
Puis, au tiède foyer de sa pauvre maison,
Il souffla sur la cendre et fit luire un tison ;
Puis il montra la table et tira d’une armoire
Un vin dont la couleur invitait à le boire.
« Bon père, dit le preux en lui tendant la main,
Quel âge as-tu ? — Beau fils, j’ai deux cents ans demain,
Répondit le vieillard ; j’ai vu dans ce bas monde
Bien des choses venir et passer comme l’onde.
Immobile témoin, j’ai vu, sans me troubler,
Des empires grandir et d’autres s’écrouler.
Deux siècles, c’est beaucoup ! Mais toi, noble jeune homme,
Peux-tu me dire ici de quel nom l’on te nomme ?
Quand on vit solitaire, on devient curieux.
Je vois un tel éclair dans l’azur de tes yeux,