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LES CHÈVRES.


Quand ils errent, le soir, au sommet des rivages,
Quand leur front vers les eaux se tourne pesamment,
L’Océan, qui déferle à ces côtes sauvages,
Mêle sa voix profonde à leur mugissement.

Quand l’ouragan d’été, sous les falaises mornes,
Entre-choque les flots à travers les récifs,
Eux aussi, furieux, souvent croisent leurs cornes,
Et, d’un effort jaloux, heurtent leurs fronts massifs.

Or, si la Normandie a les bœufs, la Provence
Garde au flanc de ses monts les chèvres en troupeaux,
Les chèvres dont le pied, libre et hardi, s’avance,
Et dont l’humeur sans frein ne veut pas de repos.

La montagne au soleil, où croissent pêle-mêle
Cytise et romarin, lavande et serpolet,
Enfle de mille sucs leur bleuâtre mamelle ;
On boit tous ses parfums quand on boit de leur lait.

Tandis qu’assis au pied de quelque térébinthe,
Le pâtre insoucieux chante un air des vieux jours,
Elles, dont le collier par intervalles tinte,
Vont et viennent sans cesse et font mille détours.