Page:Autran - Œuvres complètes, t2, 1875.djvu/392

Cette page a été validée par deux contributeurs.
381
LA RENTE.

Ce docile terrain que soi-même on laboure,
Ce morceau de pain bis qu’on n’a pas acheté,
Et ce loisir heureux, et cette liberté
De venir et d’aller, de rentrer à son heure ;
Cette placidité d’une chère demeure
Dont jamais l’importun, à Paris familier,
Ne trouble de son pas le tranquille escalier ;
Et ces longs entretiens au coin de la terrasse,
Avec son doux Virgile, avec son cher Horace,
Auraient-ils à ton sens moins de prix, moins de poids
Qu’un or qui vous parvient sali par tant de doigts ? —
N’est-ce rien, n’est-ce rien, lorsque dans son domaine,
Le matin ou le soir, pensif, on se promène,
Que de faire lever du sol, à chaque pas,
Quelque cher souvenir qui nous parle tout bas ?…
Cet orme était celui sous qui, l’heure venue,
Ma mère chaque jour, à sa place connue,
S’asseyait ; et c’est là que, dans la paix du soir,
Longtemps elle priait, sans cesser de nous voir.
Ce généreux pommier, qui sait combien je l’aime,
Est sorti d’un pépin semé par elle-même.
Vois-tu ce frêne antique aux noirs et rudes nœuds ?
Un autel fut dressé dans son flanc caverneux.
Et mes sœurs, quand vient mai, qui refleurit nos landes,