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LA VIE RURALE.

Elle sort aujourd’hui pure encor, — mais ce soir
L’ange qui la gardait n’osera plus la voir !

Ils rentrent donc, la nuit, au lieu qui les rassemble :
Sont-ils heureux du moins de se revoir ensemble ?
Non ; l’époux, bien avant d’atteindre la maison,
A, dans quelque taverne, égaré sa raison.
Il revient, le cœur plein de lie et de querelle.
« D’où sors-tu ? dit la femme élevant sa voix grêle ;
Car, aux durs traitements d’un régime oppresseur,
Elle-même a perdu ses instincts de douceur. —
Misérable, est-ce là ce que tu nous rapportes ?
Combien, sur ton passage, as-tu cogné de portes ?
— Tais-toi ! réplique-t-il, tais-toi, si tu ne veux
Que j’arrache à ton front ce reste de cheveux… »
Et la rixe écumante aussitôt se déchaîne,
Et les rugissements et les coups et la haine
S’entre-choquent dans l’air ; et tandis qu’au dedans
La discorde sévit, hurle, grince des dents,
Souvent la nuit d’hiver, dans le taudis infâme,
Ajoute aux attentats de l’homme et de la femme :
Il neige, le vent siffle ; et, dans le tourbillon,
Un enfant meurt de froid sous son dernier haillon !