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LA VIE RURALE.

Vieillir de jour en jour, penchés sur les sillons,
À leur porte, l’hiver, s’accroupir en haillons,
Et disparaître enfin sans reflet dans l’histoire.
De l’homme et du cheval ainsi passe la gloire !

Ah ! du moins, épargnons l’hôte venu chez nous :
Je veux, à l’avenir, par quelques soins plus doux
Alléger ton exil, consoler ta vieillesse ;
Que parfois, au talus des coteaux, on te laisse,
Libre de tout lien, tondre en paix le gazon ;
Que ta crèche ait toujours du fourrage et du son :
Enfin, quand tu mourras, quand, sur ton lit de pierres,
L’heure qui guérit tout fermera tes paupières,
Je veux qu’on rende honneur aux mânes du coursier !
Notre vieux garde-chasse, autrefois cuirassier,
Qui sonna du clairon dans les grandes batailles,
D’une musique en deuil suivra tes funérailles :
Il est mort ! dira-t-il aux échos d’alentour,
« Il est mort ; ouvre-toi pour lui, dernier séjour,
Brumeuse région, des vieux bardes connue,
Royaume de l’éclair, du vent et de la nue,
Où l’âme du coursier retrouve en s’envolant
Les ombres des chevaux d’Achille et de Roland ! »