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À NOIRAUD.

Éclaire ; sous ce toit fait de vieux soliveaux,
Où pendent des colliers de bœufs et de chevaux,
Où l’errante araignée, à la vitre obscurcie
File en paix le réseau de sa toile épaissie,
Dis, à quoi songes-tu, pauvre déshérité ?…
Tu ne fus pas du sort toujours si maltraité.
Ses faveurs ont pour toi précédé son injure ;
Avant qu’il t’exilât dans une grange obscure,
Avant qu’il fît de toi, dans cet abaissement,
Des labeurs de la ferme un docile instrument,
D’un vulgaire ménage un serviteur vulgaire,
Tu fus un fier cheval de tournois et de guerre,
Un de ces beaux coursiers dont le maître orgueilleux
Raconte l’origine et cite les aïeux !

Superbe, en ce temps-là, tu portais avec joie
Une housse où l’or pur se tordait dans la soie ;
Entre tes blanches dents rongeant un frein d’acier
Au lieu de ce bâillon fait d’un chanvre grossier.
Les naseaux enflammés, la tête qui s’effare,
Tu partais aux premiers accords de la fanfare.
Et, comme ce cheval dont l’œil disait : « Allons ! »
Tu courais au-devant des sombres bataillons.
Les clameurs, les tambours, le canon, la musique,