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LA VIE RURALE.

Pour eux seuls épuisant ses tendresses complices,
Elle encourage tout en eux, jusqu’à leurs vices.
Le printemps, à ses yeux, ne fait rien de travers ;
Mais malheur à l’automne et surtout aux hivers !
On aime, on souffre encor, mieux que cette jeunesse ;
Si peu suffit au cœur, hélas ! pour qu’il renaisse !
N’importe, on est tenu de garder son cœur froid ;
Et de la douleur même on a perdu le droit !
Ah ! la campagne, ami, dans sa bonté royale,
Envers qui la réclame est plus impartiale.
Elle n’exclut personne, et, d’un regard clément,
Douce mère, elle rit à tous également :
Qu’un vieillard au jardin, pensif, marche ou s’arrête,
La fleur le voit venir sans détourner la tête ;
Le rayon de soleil, qu’il cherche pas à pas,
En se posant sur lui, ne se refroidit pas ;
Et l’oiseau, quand paraît cette tête chenue,
S’il chantait sa chanson d’amour, la continue.
Que dis-je ! si les champs de plus d’égards pieux
Entourent un passant, ce sera le plus vieux.
Les chênes toujours verts, témoins de bon présage,
Semblent le saluer de leurs bras chargés d’âge ;
Un vieux mur, un vieux toit, couvert de brins fleuris,
Lui parle de printemps, même dans ses débris.