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LA VIE RURALE.

Tu vas, comme conduit par la main de quelque ange ;
Tu passes tour à tour en ton errant essor
Du vieux Caire à Ghizeh, de Memphis à Louqsor,
Et prends de chaque site, aux feuilles du cartable,
La couleur authentique et le trait véritable.

Aussi prompt au réveil que le bloc de Memnon,
Tu pars chaque matin, oublieux d’Avignon !
Karnac t’ouvre ses murs incrustés de symboles.
La grande pyramide est près de là : tu voles
Mesurer du regard, dans le désert muet,
Ces éternels tombeaux dont parla Bossuet,
Qui, célant dans leur nuit des ombres inconnues,
Élèvent le néant des hommes jusqu’aux nues !
Au sommet du granit que le temps n’atteint pas,
Que vois-tu ? Des Anglais qui prennent leur repas ;
Et ce groupe bizarre, occupant cette cime,
Vaut presque la leçon de l’orateur sublime.

Des femmes au teint noir, sans voile sur le sein,
Les cheveux lourds de graisse et d’huile de ricin,
Vont à travers la plaine, étrange compagnie :
« Femmes, d’où venez-vous ? — Des monts d’Abyssinie. »
Un fellah qui t’aborde, au retour de Philœ,