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À UN ABSENT.

Un vivant paysage et non une peinture,
N’est-il pas doux aussi d’être deux, et d’aller,
Et d’entendre les bois frémir, les eaux couler,
Et le divin chanteur des forêts et des plaines
Mêler sa voix sonore aux strophes des fontaines ?
Les boulevards sont beaux, couverts de promeneurs ;
Mais des prés où descend la troupe des faneurs ;
Mais un riche vignoble, alors que les vendanges
Y mènent les garçons et les filles des granges ;
Mais une aire au soleil où l’on bat les épis,
Un vieux chêne entouré de grands bœufs assoupis,
Le vermeil horizon qu’un soir d’octobre enflamme,
Ne disent-ils donc rien ? rien aux sens, rien à l’âme ?
Et l’auguste tableau de la terre et des cieux
Ne mérite-t-il pas un regard de nos yeux ?

Vous ne le savez pas : votre errante pensée
Fuit ailleurs, au hasard des choses dispersée.
Avril naît, juin s’écoule, et tous les plus beaux mois ;
Aucun ne vous retrouve à l’ombre de vos bois.
L’un moissonne en chantant vos blés, l’autre les sème ;
Que vous fait tout cela ? Vous n’y songez pas même.
Tandis que tel pauvre homme, au temps des gazons verts,
S’arrête à votre grille, et regarde à travers,