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À UN HABITANT DE LA RUE DU BAC.

« Combien de ces reclus que tient le sort geôlier,
Ceux-ci dans le comptoir, ceux-là dans l’atelier ;
Misérables ressorts d’une machine immense
Dont l’œuvre, chaque jour, s’achève et recommence !
Est-ce vivre ? est-ce avoir, dans le trésor commun,
La part d’espace et d’air que Dieu fit pour chacun ?…
S’il n’a reçu le jour sous quelque toit rustique,
L’homme aura-t-il, d’ailleurs, une foi domestique ?
Sentira-t-il jamais en lui se déployer
L’amour de ces vertus qui germent au foyer ?
Et vos noms immortels, ô famille ! ô patrie !
Toucheront-ils son âme avant l’heure flétrie ?
Trois fois heureux les fils de ces vieilles maisons
Où mènent des sentiers frayés dans les gazons !
Ils habitent le nid cher à toute une race :
Là, tout garde à leurs yeux une pieuse trace ;
À leur ample foyer quand ils veillent le soir,
Les ombres des aïeux près d’eux viennent s’asseoir.
Ce fauteuil, ce bahut, cette tapisserie,
De fantômes aimés peuplent la rêverie.
Ces livres, alignés sur deux rayons de bois.
Sont ceux que les parents usèrent sous leurs doigts ;
À l’angle du salon cette horloge dressée
Leur a compté les jours de sa voix cadencée.