Page:Autran - Œuvres complètes, t2, 1875.djvu/301

Cette page a été validée par deux contributeurs.
290
LA VIE RURALE.

Et ce réveil confus des champs laborieux.
De cet agile pas que l’air natal excite,
Je sortis, courant faire au dehors ma visite ;
Sous les toits attenants, pressé de voir d’abord
Nos serviteurs anciens dont j’ignorais le sort.
Hélas ! pour transformer leurs plaisirs et leurs peines,
Que peu de temps suffit aux familles humaines !
Ce chef de la tribu, ce fermier des vieux jours
(Il me semble l’entendre), homme aux graves discours,
Qui marchait répandant la sagesse en proverbes,
Depuis trois ans il dort sous une touffe d’herbes.
La fille du berger, cette brune Clairon,
Tu sais, belle à treize ans, et d’un bras déjà rond
Épanchant de sa cruche un lait pur à nos lèvres,
Mère, elle a trois enfants, dont un garde les chèvres.
En revanche, Marcel, dans sa forte maigreur,
Est toujours l’homme austère et le fier laboureur.
Comme nous parcourions au matin la campagne,
Observant les taillis où la verdure gagne,
Et le blé des sillons qui commence à grandir :
« Ah ! dit-il, dans un mois la plaine va bondir !… »
Docteurs, que pensez-vous de cette poésie ?
Cet homme, à son insu, parlait comme Isaïe.