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LA VIE RURALE.

Et la phrase allongée en courant tourne au livre.
Ah ! que nous sommes loin des beaux jours d’autrefois,
Alors que l’écrivain, la plume entre ses doigts,
S’arrêtait, hésitait, à lui-même sévère,
Et n’écrivait enfin que le mot nécessaire !
Aujourd’hui, tout est bon. Notre style est un flux.
L’écluse est grande ouverte aux discours superflus,
Et, comme l’arrosoir incliné sur le sable,
Chacun verse à torrents son encre intarissable.

Donc, ce fut l’autre jour, aux heures du couchant,
Que j’arrivai. Mon cœur sentait, en approchant,
Ce mélange confus de tristesse et de joie
Qu’on éprouve, quand Dieu permet que l’on revoie
Ces lieux où l’on vécut enfant, vierge d’ennuis,
Et que, pour de longs jours, on déserta depuis.
On aime à retrouver partout, à son passage,
Ces sites, chers témoins des plaisirs d’un autre âge ;
Mais une voix pourtant vous dit, non sans douleur,
Qu’on y revient moins jeune… et rarement meilleur !

Déjà le soir jetait, des coteaux à la plaine,
Sa brume qu’un doux vent frôlait de son haleine :
Soir du milieu d’avril, qui descend calme et pur,