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ÉDUCATION.

À voir, dans un faubourg, sur quelque pauvre seuil,
De ces êtres chétifs aux traits maigres et hâves,
Enfants pareils aux fleurs qui poussent dans les caves ;
Nourrissons de la fièvre et de l’épuisement,
Sur qui la mère pleure et tremble à tout moment !
Quel homme, parmi ceux que la ville emprisonne,
Même entre les puissants dont le nom brille ou sonne,
Sentant croître le ver de sa prospérité,
Ne s’est dit mille fois : « Que ne suis-je resté,
Que n’ai-je, les pieds nus, grandi sur les collines,
À travers les sentiers de cailloux et d’épines,
En butte à tous les vents du ciel et de la mer ? »
Moi-même, au fond du cœur, je l’ai, ce deuil amer !
Tout orphelin n’est pas celui qui, solitaire,
Près d’une double tombe est resté sur la terre.
D’une pitié semblable il en est que je plains :
Ô nature, ô soleil, ce sont tes orphelins !
C’est vous tous qui, dans l’ombre où pas un jour ne brille,
N’avez jamais connu cette heureuse famille
Que le Dieu paternel fit pour l’enfant joyeux
Avec les fleurs des bois et les rayons des cieux !
Tout le bonheur, hélas ! ne tient pas dans un livre.
S’il est bon de savoir, il est urgent de vivre ;
Et, devant tout penseur dont l’œil n’est point troublé,