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LA VIE RURALE.


Le nain sonnait du cor sur la tour la plus haute,
Et, soudain prévenus, la dame et le seigneur
Avec leurs écuyers et leurs dames d’honneur
Venaient, sur le perron couronné de balustres,
Donner la bienvenue aux visiteurs illustres.
Comme tout est changé ! Des êtres indigents
Vivent là désormais, bûcherons, pauvres gens,
À qui Dieu n’a laissé des trésors de ce monde
Que le pain d’un travail où la sueur abonde.
Triste au soleil d’été, le bourg est en hiver
Farouche et d’un manteau de neige recouvert.

Un soir, par le sentier caillouteux et rougeâtre,
J’en revenais, parlant à je ne sais quel pâtre,
Et regardant les cieux par la brume envahis.
C’était aux derniers jours d’octobre ; le pays,
Qu’avait longtemps brûlé l’ardente sécheresse,
Attristait le regard d’un tableau de détresse.
Vieille et pauvre, non moins que la mère de Ruth,
À mes yeux tout à coup une femme apparut,
Qui, dans le dur sentier, montait vers le village,
Traînant un arbre mort, avec tout son feuillage.
Attelée au fardeau, lente, elle gravissait,
Et le vieil arbre sec sur ses pas bruissait.