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LE GÎTE.

À ce foyer sans maître étant sûrs de l’accueil,
Ils déposent à terre et bâtons et sacoches ;
Ils tirent des tronçons de pain noir de leurs poches,
Et, murmurant entre eux quelque patois obscur,
Ils font cuire une soupe où trempe ce pain dur.
Ah ! jamais de milieu : trop douce ou trop amère,
La vie envers ses fils est une injuste mère ! —
Sans doute ils trouveraient, sur les coteaux voisins,
Un cep dont la vendange oublia les raisins ;
Ils ont là, devant eux, à deux pas de ce gîte,
Ces figuiers dont le fruit se montre et les invite ;
N’y vont-ils pas toucher, pour aider au repas ?
Non ; les oiseaux le font, mais eux ne le font pas ;
Car, si perdu qu’il soit, tout arbuste a son maître,
Et qui les aurait vus se vengerait peut-être.
À peine oseront-ils, craignant les yeux jaloux,
Boire un peu de cette eau qui fuit dans les cailloux ;
Et puis ils rentreront dans le logis qui tremble,
Et jusqu’au lendemain ils dormiront ensemble.

L’hiver, l’aquilon bat le farouche réduit.
Le volet sur ses gonds se démène à grand bruit.
Le toit, que l’ouragan secoue avec furie,
Accable de son poids la soupente pourrie.