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LA VIE RURALE.

Les monstrueux engins redoublent de furie ;
Le rivage au loin tremble et la mer ne charrie
Que des ruines de vaisseaux.

La gloire nous paîra notre effort unanime ;
Les grands peuples qu’enfin la même cause anime
Au soleil de l’histoire apparaîtront plus grands ;
Oui ! mais, pour acheter ces brillantes chimères,
Que de fils tomberont, loin des bras de leurs mères,
Sur ces rivages dévorants !

À l’ivresse, aux transports des victoires futures,
Combien qui mêleront le cri de leurs tortures !
Combien, qui sont partis solides aux arçons,
Jeunes, beaux, doux au cœur des tendres fiancées,
Ne seront bientôt plus que des chairs dispersées,
Des lambeaux saignants, des tronçons !

C’est la loi, me dit-on, transmise d’âge en âge.
Quelle est donc cette loi de meurtre et de carnage
Qui prend l’homme et le jette en pâture à l’airain ?
À quoi sert tout le sang dont la terre s’arrose ?
Est-ce pour empourprer les feuilles de la rose
Qu’il détrempe ainsi le terrain ?