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LA VIE RURALE.

À travers des pays où n’entraient pas nos maîtres.
Tel mot sentait pour moi la lavande ou le thym,
Tel autre avait l’éclat d’un rayon du matin,
Un verbe, une épithète, avec art suspendue,
M’emportait tout à coup sur quelque cime ardue ;
Ravi, je croyais voir, comme dans les prés verts,
Toutes les fleurs d’avril croître le long d’un vers,
Et les bœufs y passer, cherchant l’ombre écartée,
Et vers l’abri du saule y courir Galatée ! —
Ce n’était plus, le soir, un quinquet studieux
Qui versait du plafond sa lumière à mes yeux,
C’était le vrai soleil sous les voûtes vermeilles !
Le bruit que j’entendais, charmant à mes oreilles,
D’un surveillant grondeur ce n’était plus la voix,
Ce n’était plus le cri que faisaient à la fois,
En courant au hasard sur les pages froissées,
Cent plumes d’écoliers de thèmes hérissées ;
De l’oiseau dans les bois c’était le chant heureux,
Le bruit du Mincio qu’endort son lit ombreux,
Et le murmure ailé de l’abeille aux cytises,
Et l’hymne des pasteurs dispersé dans les brises !

Tel je suivis ce maître en mon premier essor ;
Après de si longs jours, tel je l’adore encor.