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LA FILLE DU MEUNIER.

Aux petits villageois montre le rudiment,
Et les chiffres ; le tout catégoriquement.
Quand le maire a besoin d’enfanter un prodige
De style officiel, c’est lui qui le rédige.
Si les docteurs du lieu, le soir, près du tison,
Viennent à discuter un vice d’oraison,
Modestement il touche au problème et le tranche.
L’aimable jouvenceau cueille à plus d’une branche ;
Il chante en faux-bourdon, choriste renommé.
Il a mille vertus ; bref, il n’est pas aimé.
Déplorable fortune ! il pleure, il se désole :
Elle en rit ; puis, le soir, la cruelle s’envole ;
Au plus épais du bois elle s’ouvre un chemin,
Elle porte au bandit le pain du lendemain.

Le digne magister ne peut en rien comprendre
Qu’on préfère à son fils un homme bon à pendre.
Père et fils, chaque jour, aux confins de leur champ
Se promènent. Tous deux gémissent en marchant.
C’est au soleil qui tombe, heure mélancolique :
Et, tandis que leur ombre, à sa lumière oblique,
Allonge sur les prés des jambes en fuseaux,
Leur entretien se mêle au concert des oiseaux.
Le discours change peu. L’un dit : « Hélas ! mon père ! »