Page:Autran - Œuvres complètes, t1, 1875.djvu/40

Cette page n’a pas encore été corrigée

admirable scène, d’un sentiment tout philosophique, celle où Timon, après son désastre, s’adresse à l’amitié de ceux qui furent ses convives assidus, ses flatteurs empressés, et ne reçoit d’eux pour toute assistance que d’hypocrites condoléances ou des paroles évasives. Je ne redirai pas avec quel bonheur M. Ponsard a enrichi notre théâtre de cette scène magistrale. On rencontre également, dans ce même Timon d’Athènes, un certain philosophe chagrin, du nom d’Apemantus, qui s’en va disant à chacun son fait et exhalant à chaque pas sa sagesse bourrue. Le Rodolphe de M. Ponsard n’est peut-être pas sans parenté avec ce rude censeur. S’il a aussi quelques traits de notre immortel Misanthrope, faut-il s’en étonner ? « Le Misanthrope est à recommencer tous les cinquante ans. » C’est Diderot qui l’a dit.

Mais où M. Ponsard n’a pas eu de modèle, c’est dans le personnage de Lucile. Elle est bien à lui, cette aimable figure, et rien de plus séduisant que cette jeune fille, type de franchise ingénue, de dévouement et de courage. Disons-le à cette occasion, ce fut un privilège du talent de M. Ponsard de savoir peindre la nature féminine sous ses faces les plus diverses et les plus sympathiques. Il connaissait le charme et la puissance de cet éternel féminin dont parle Gœthe. Qui voudrait y regar-