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terminé à traiter un sujet plutôt pour tracer la physionomie d’un siècle que pour combiner une intrigue. » Une fois pourtant, une seule fois, ce noble soin de la couleur fut mal récompensé. Ce fut dans la tragédie d’Ulysse. Avec cette touchante naïveté de l’artiste qui croit ne rien risquer, pourvu que le beau soit reproduit, l’auteur crut pouvoir transporter au théâtre un des tableaux primitifs de l'Odyssée. L’épreuve était hardie : mettre en scène un héros qui revient du siège de Troie, transformé par vingt ans d’absence, une chaste épouse, modèle de fidélité, qui fait et défait sa toile éternelle, un groupe de prétendants avides, moins épris de sa beauté que de ses métairies, des pâtres gardant un troupeau dont le nom seul eût demandé jadis tant de périphrases, c’était beaucoup tenter auprès du public parisien. Ce public oublia de se dire que Platon appelait Homère le plus dramatique des poètes, et il courut à des spectacles qui l'éloignaient moins des mœurs contemporaines.

Était-ce un revers ? Ce fut plutôt un trait de lumière. Puisque Homère n’est plus de mode, pensa le poète, abandonnons Homère, passons d’un pôle à l’autre, laissons les héros antiques pour les bourgeois modernes. Or, passer sans préparation de l’île d’Ithaque à la Chaussée d'Antin, du palais d’Ulysse dans l’étude d’un notaire,