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idylle charmante que la scène où Charlotte rencontre les girondins égarés dans la campagne ! la tragédie, aux lisières d’un bois, marche un moment dans la rosée avant de marcher dans le sang. Quelle scène puissante que celle où les triumvirs de la Convention viennent, sur le cœur saignant de la patrie , se disputer le pouvoir ! Il fallait, certes, un rare courage, il fallait cette confiance ingénue qui semble ignorer les périls, pour aborder de telles figures, « terribles à rencontrer même dans l’histoire, » comme l'a dit l'éminent écrivain que vous allez bientôt entendre. L’auteur eut ce courage, et il écrivit une scène dont le souvenir ne périra pas.

On a raconté que, le soir de la première représentation, un grand poète, redescendant l’escalier de la Comédie-Française, exprimait tout haut son étonnement. C’était l'auteur de Rolla. Avec un hochement de tête qui semblait rétracter d’anciennes épigrammes : « Eh bien, disait-il, avouons qu’un pareil langage ne s’était plus entendu au théâtre depuis Corneille. » Quelle louange, messieurs, et de quelle bouche ! Le vers de Corneille, c’est la grande épée des temps héroïques; il n’est donné qu’à une main robuste de la soulever.

Et ce n’est pas seulement la beauté des vers qu’il convient d’admirer dans le drame de Charlotte Corday,