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leurs, en beautés du premier ordre, et auquel toute justice n’a pas été rendue, si le poète, en l’écrivant, n’eût pas senti peser sur lui sa précoce gloire de chef de l’école du bons sens ? L’expérience, du moins, ne fut pas perdue. L’auteur ne devait pas tarder à en recueillir les fruits, le jour où il aurait la pensée de transporter sur la scène la tragique histoire de Charlotte Corday. À ce nom, messieurs, je m’incline et je salue une des œuvres les plus sévères et les plus fortes du théâtre contemporain.

Cette fois, le poète marche en toute liberté, il se jette hardiment sur les pas de Shakespeare, il ose même dépasser les licences du maître ; car, dans les drames les plus aventureux du poète anglais, on distingue toujours un nœud, une intrigue, et à peine en retrouvons-nous quelque trace dans la pièce française. L’auteur s’est contenté de découper l’histoire de son héroïne et d’en présenter les scènes au spectateur dans leur ordre successif et naturel. Ce procédé fait passer sous nos yeux la réalité même ; il amène sans effort les plus heureux contrastes ; tout se rapproche et se mêle dans ce beau drame : le sourire et les larmes, la grâce et la terreur, le calme du foyer domestique et les fureurs de la rue, l’enthousiasme et la pitié, cette étrange pitié qui se détourne de la victime pour se porter tout entière sur l’assassin. Quelle