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sujets ont leurs exigences), ce n'est pas un auteur de la vieille école qui eût osé mettre sur la scène cette figure nouvelle et bizarre de Brutus, citoyen mêlé de bouffon, qui cache ses grands desseins sous le masque de la sottise et s’interrompt à tout propos pour débiter des apologues ou des sentences ambiguës. Un classique n’eût pas davantage rapproché dans tout le tissu de la pièce deux styles qui, depuis les Grecs, étaient restés constamment séparés, le style tragique et le style comique. Par ses familiarités charmantes, la langue de Lucrèce s’écarte en maint endroit du langage consacré ; non loin de certains vers dont la grâce exquise émane d’André Chénier, d’autres surviennent qui, dans leur franche et verte allure, apportent un souvenir de comédie.

À Lucrèce, sujet classique dans un cadre à demi romantique, succède Agnès de Mèranie, sujet romantique dans un cadre malheureusement trop classique. Ce fut l’erreur du poète ; il oublia qu’une page de notre histoire empruntée aux annales du moyen âge, — et quel tableau plus magnifique ! — ne pouvait se développer à l'aise que dans un large cadre. Le drame populaire s’accommode mal des unités. Renfermé dans leur enceinte, il y tourne sur lui-même comme un lion dans sa cage. Que n’eût pas été cet ouvrage, qui abonde, d’ail-