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du Manfred de lord Byron ? Ce n’est pas impunément que l'on s’abreuve à pareille source. Il en garda toujours un arrière-goût à ses lèvres. Ce que la critique distingue avant tout chez lui, c’est un esprit sagement éclectique. Témoignant en cela de ce bon sens qu'on salue en lui, il emprunte à chaque doctrine ce qu’elle donne de meilleur. Il adore Racine, mais il n'a garde de négliger Shakspeare. Entre les deux puissances rivales, il semble rester indécis. Né au moment d’une révolution poétique, il n’apparaît pas en réactionnaire, il apparaît plutôt en modérateur. Le dirai-je ? il joue le rôle d’un de ces girondins dont il nous a, d’un crayon sympathique, retracé la figure. La liberté sans les excès, telle serait sa devise.

Cet esprit d’éclectisme se révèle chez lui dès Lucrèce. Ils se payèrent d’une illusion ceux qui voulurent voir dans cet ouvrage tous les caractères de la tragédie conforme aux lois d’Aristote. À part le rôle de Valère, qui a un faux air de confident ; à part le songe récité par Lucrèce, ce terrible songe qui semblait fait pour attacher à certaines tragédies une idée de sommeil, la pièce côtoie d’aussi près que possible le drame romantique. Ce n’est pas un poète classique (je demande pardon d’exhumer ces mots surannés de classique et de romantique, les