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surance de son précurseur. Telle était, au contraire, sa modestie, qu’elle fit douter de son talent. Hélas ! disons- le tout bas, la modestie a ses dangers ; et c’est par prudence, il faut le croire, que les habiles s’en débarrassent. — Le doute, une fois en chemin, ne s’arrêta plus. Que pouvait être cette tragédie dont quelques-uns faisaient d’avance tant de bruit ? Probablement une œuvre mal venue, ébauchée en rhétorique sur les bancs du collège. Car, vous le savez, messieurs, en ce temps-là, tout écolier faisait sa tragédie, qui son Coriolan, qui son Règulus. Ce titre seul de Lucrèce indiquait suffisamment la source.

Les méfiances persistèrent jusqu’au dernier instant. Mais le jour vint enfin qui devait résoudre la question. Une foule impatiente assiégeait le théâtre de l’Odéon. La toile se leva, les premiers vers furent dits, et, dès lors, aucun doute n’était plus permis. C’était bien une vraie muse qui parlait sur la scène, c’était la voix de la muse antique dont on croyait entendre un écho.

Lève-toi, Laodice, et va puiser dans Turne
L’huile qui doit brûler dans la lampe nocturne.
Les heures du repos viendront un peu plus tard :
La nuit n’a pas encor fourni son premier quart ;
Et je veux achever de filer cette laine,
Avant d’éteindre enfin la lampe deux fois pleine.