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achevée. Une de ces brusques sympathies qui sont comme les coups de foudre de l'amitié avait soudain confondu ces jeunes cœurs. Heureux âge que celui où un passant devient subitement un ami, à qui on lit sa tragédie ! Ponsard avait lu sa pièce, et, peu de jours après, Charles Reynaud commençait à Paris sa mission d’enthousiasme et de dévouement. Pendant plus d’une année, il alla présentant partout Lucrèce, affirmant ses beautés, lui frayant à tout prix les voies rebelles du théâtre. Cela sortait de l’ordinaire, une ardeur si grande pour la cause d’autrui ! Le directeur de l'Odéon, chez qui l’errante Lucrèce était enfin recueillie, en vint à soupçonner quelque stratagème, à se demander si cet admirateur si empressé ne serait pas le poète en personne, s’abritant sous un nom d’emprunt pour dire plus librement ce qu’il pensait de son œuvre. La pièce entrait en répétition : « Ce pseudonyme de Ponsard, lui dit-il un soir, y tenez-vous toujours beaucoup ? »

Le véritable auteur ne pouvait tarder plus longtemps à se montrer. On vit alors arriver de sa province un jeune homme simple et cordial, réservé dans ses paroles, timide dans son maintien, gardant un peu de cette rusticité virgilienne qu’il semblait tenir de son commerce avec les citoyens de l’ancienne Rome. Il n’avait, lui, rien de l’as-